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instrumentum B u l l e t i n d u G ro u p e d e t r av a i l e u ro p é e n s u r l ’ a r t i s a n a t e t l e s productions manufacturées de l’Antiquité à l’époque moderne Changement/ Change ! Abonnement, commandes de bulletin(s) / Subscription, bulletins ordering : Nicole NADEAU instrumentum@free.fr Rédaction du bulletin / editorial staff of the bulletin : Isabelle BERTRAND musees.chauvigny@alienor.org Instrumentum / Musées de Chauvigny 3, rue Saint-Pierre B.P. 90064 F-86300 CHAUVIGNY Sommaire Bibliographie Instrumentum 40 p. 2 – Articles/Notes p. 13 – A decorated Pinctada margaritifera shell from ancient Thessaloniki, Greece p. 15 – Una fibula a cerniera con decorazione figurata da Gropello Cairoli (PV) p. 17 – Les manches de substitution des simpulums de type Aislingen p. 20 – Les fibules géométriques du Ier s. : des fibules scutiformes ? p. 32 – Un canif en os découvert dans la villa de la gare, au Quiou (Côtes-d’Armor) p. 33 – Textilproduktion im römischen Österreich p. 36 – Un nouvel exemple d’amulettependeloque dite “en forme de massue”, la découverte de Seclin (Nord) p. 40 – Les agrafes à double crochet : relecture du hiatus chronologique des XIIeXIIIe s. à partir d’exemplaires méridionaux Comptes rendus d’ouvrages/Book Reviews p. 5 – Römische Textilien in Noricum und Westpannonien im Kontext der archäologischen Gewebefunde 2000 v. Chr. 500 n. Chr. in Österreich p. 23 – Une nouvelle série de plombs inscrits p. 22 – Ausgewählte Typologien provinzialrömischer Kleinfunde. Eine antiques : Noyon “La Mare aux Canards” theoretische und praktische Einführung (Oise) p. 25 – Du brai de bouleau sur des éléments de charnière gallo-romains à Fréjus (Var, France) p. 28 – Découverte d’une authepsa à Die (Drôme) Éditorial Ces dernières années ont vu la mise à l’honneur, à travers différentes manifestations, du thème des cultes et lieux de culte dans les Provinces romaines. Nous pouvons citer, sans prétendre à l’exhaustivité et pour les seules organisations françaises, quelques colloques ou journées d’études : . 18-19 septembre 2009 : Étudier les lieux de culte de Gaule romaine, publié en 2012, O. de Cazanove, P. Méniel (dir.), Archéologie et Histoire romaine, 24, éd. M. Mergoil ; . 27-28 mars 2012 : La fin des dieux. Les lieux de culte du polythéisme dans la pratique religieuse du IIIe au Ve s. ap. J.-C. (Gaules et Provinces occidentales). HALMA-IPEL, UMR 8164, Université de Lille 3, W. van Andringa (dir.) ; . 15 mars 2014 : Espaces artisanaux, lieux de culte dans l’Antiquité. SFAC, Paris ; . 16-17 octobre 2014 : Présence des divinités et des cultes dans les villes et les agglomérations secondaires de la Gaule romaine et des régions voisines (Ier av. n. è. - IVe de n. è.). Université de Limoges. La SFECAG tiendra par ailleurs son congrès annuel 2015 sur le thème de la céramique dans les lieux de culte (14-17 mai 2015, Nyon-CH) et les Écoles françaises de Rome et d’Athènes organisent un colloque à n° 40 déc. 2014 Colloques/Colloquiums p. 6 – Silent Participants II. The Uses of Terracotta Figurines in Non-Official Ritual p. 11 – Roman Finds Group with the CIAS, Newcastle University (GB) p. 12 – La culture matérielle : un objet en question. Anthropologie, archéologie et histoire p. 43 – Mobiliers et sanctuaires dans les provinces romaines occidentales (fin Ier s. av. Ve s. ap. J.-C.) Expositions/Exhibitions p. 19 – Un dernier verre ? Archéologie d’une matière p. 44 – Vivre avec les dieux Diplômes universitaires p. 16 et 42 – Projet/Project p. 44 – “Madera, Hueso, Marfil, Asta, Concha: ¿artesanías marginales o marginadas?” Rome du 17 au 20 juin prochain : Quand naissent les dieux : fondation des sanctuaires antiques. Motivations, agents, lieux. Des expositions ont également été récemment inaugurées : “Dieux Merci ! Sanctuaires, Dévots et Offrandes en Gaule romaine”, au Musée d’Argentomagus (du 27 juin au 7 décembre 2014) ; “Vivre avec les dieux. Autour du sanctuaire gallo-romain du Gué-de-Sciaux (Antigny)” au Musée de Chauvigny (jusqu’au 20 décembre 2015) ; et une exposition itinérante émanant du PCR “Autour des Voconces” qui, entre 2014 et 2015, se succèdera dans dix musées partenaires des régions PACA et Rhône-Alpes. L’association Instrumentum propose pour sa part un colloque international intitulé “Mobiliers et sanctuaires dans les Provinces romaines occidentales (fin Ier s. av. - Ve s. ap. J.-C.). La place des productions manufacturées dans les espaces sacrés et dans les pratiques religieuses”, qui se tiendra au Mans du 3 au 5 juin 2015. Il a pour objectif de suivre et répondre, par le biais des mobiliers archéologiques, à l’actualité de la recherche scientifique sur les lieux de culte dans le monde romain. Le choix de la Ville du Mans a été motivé par le renouveau et l’enrichissement des connaissances en ce domaine apportés par les fouilles préventives et programmées récentes menées en Pays de Loire et plus particulièrement en Sarthe et en Mayenne (sanctuaires des “Quinconces des Jacobins” au Mans, du “Chapeau” à Neuville-sur-Sarthe, de “la Grillère” à Saint-Denis-du-Maine). Instrumentum p. 43 – Organigramme p. 44 – Comité de lecture Les communications, déjà annoncées à l’échelle européenne (Italie, Espagne, Afrique du Nord, Suisse, Belgique et France) apporteront des informations multiples, depuis les outils méthodologiques nécessaires à l’étude des objets liés aux cultes et lieux de culte, aux résultats des recherches menées sur des cas concrets. Les découvertes récentes de l’inter-région GrandOuest permettront de plus d’organiser une session qui sera consacrée à la présentation des mobiliers de ces sites et à une amorce de synthèse scientifique régionale. Des actes seront publiés dans les monographies Instrumentum. Une exposition temporaire est mise en place au musée archéologique Carré Plantagenêt de la Ville du Mans du 21 mars au 21 septembre 2015, afin de servir de support visuel au colloque et de présenter au public comme aux chercheurs les résultats les plus marquants de ces campagnes de fouilles. Elle permettra également de présenter à nouveau les sites plus anciens fouillés, les problématiques et questionnements soulevés autour du monde des croyances dans l’Antiquité et du rôle politique et social des lieux de culte dans la structuration de la société galloromaine. Stéphanie RAUX VP Instrumentum France stephanie.raux@inrap.fr Feugère 2009 : M. Feugère, Militaria, objets en os et en métal. In : C. Goudineau, D. Brentchaloff (dir.), Le camp de la flotte d’Agrippa à Fréjus - Les fouilles du quartier de Villeneuve, Paris 2009, 107-177. Fremersdorf 1940 : F. Fremersdorf, Römische Scharnierbänder aus Bein. FS Hoffiller, Zagreb 1940, 321-337. Hayek et al. 1990 : E. W. H. Hayek, P. Krenmayr, H. Lohninger, U. Jordi, W. Moche, F. Sauter, Identification of Archaeological and Recent Wood Tar Pitches using Gas Chromatography/Mass Spectrometry and Pattern Recognition. Analytical Chemistry, 62, 2 038-2 043. Kurzweil,Todtenhaupt 1991 :A. Kurzweil, D.Todtenhaupt, Technologie der Holzteergewinnung. Acta praehistorica et archaeologica 23, 63-91. Langlois, Regert 2007 : J. Langlois, M. Regert, Identification d’un adhésif présent sur un mors en bronze décoré de corail, partie d’un harnachement de cheval découvert dans une tombe à char celte fouillée à Orval dans la Manche (IVe-IIIe siècle av. J.-C.). Rapport d’étude n° 12823 non publié, C2RMF. Langlois et al. 2005 : J. Langlois, A.-S. Le Hô, M. Regert, Identification du résidu organique conservé dans une fibule (période Hallstatt) découverte dans une nécropole fouillée en Basse-Normandie dans le Calvados, à Eterville au lieu-dit “Le clos des lilas”. Rapport d’étude n° 7406 non publié, C2RMF. Mac Gregor 1985 : A. Mac Gregor, Bone, Antler, Ivory and Horn. The Technology of Skeletal Materials since the roman Period. Croom Helm, London & Sydney, Barnes & Noble Books, Totowa, New Jersey, 1985, 245 p. Rageot et al., en cours de correction : M. Rageot, K. Pêche-Quilichini, V. Py, J.-J. Filippi, X. Fernandez, M. Regert, Exploitation of beehive products, plant exudates and tarsin Corsica during the early Iron Age. Archaeometry. Rajewski 1970 : Z. Rajewski, Pech und Teer bei den Slaven, Zeitschrift für Archäologie 4, 1970, 46-53. Regert 2004 : M. Regert, Investigating the history of prehistoric glues by gas chromatography-mass spectrometry, Journal of separation science 27, 244254. Regert, Mirabaud 2014 : M. Regert, S. Mirabaud, Substances naturelles exploitées sur les sites de Découverte d’une authepsa à Die (Drôme) M. Gagnol, C. Ronco Dans le cadre du réaménagement des abords de la cathédrale de Die (Drôme), une fouille archéologique a été réalisée place de la République par une équipe d’archéologues de l’Inrap, durant l’hiver 2012-2013. Le contexte de la découverte Die se situe sur un axe de passage privilégié entre la vallée du Rhône et l’Italie. Cette voie emprunte la vallée de la Drôme, le col de Cabre pour atteindre Gap et rejoindre la voie Domitienne reliant l’Espagne et l’Italie par le bassin de la Durance et le col du Montgenèvre. La ville, installée en rive droite de la Drôme sur un coteau au pied du Glandasse, barrière rocheuse constituant l’extrémité méridionale du Vercors, appartient au territoire des Voconces qui s’étend sur une partie des actuels départements de 28 Chalain et Clairvaux : nature et fonction des matériaux organiques amorphes. In : Entre archéologie et écologie, une Préhistoire de tous les milieux ; Mélanges offerts à Pierre Pétrequin (textes réunis par R.-M. Arbogast et A. Greffier-Richard), 2014, 79-91. Regert et al. 1998 : M. Regert, J.-M. Delacotte, M. Menu, P. Pétrequin, C. Rolando, Identification of neolithic hafting adhesives from two lake dwellings at Chalain (Jura, France), Ancient Biomolecules 2, 1998, 81-96. Regert et al. 2003 : M. Regert, S.Vacher, C. Moulherat, O. Decavallas, Adhesive production and pottery function during the Iron Age at the site of Grand Aunay (Sarthe, France). Archaeometry 45(1), 2003, 101-120. Ribechini et al. 2011 : E. Ribechini, M. Bacchiocchi, T. Deviese, M. P. Colombini, Analytical pyrolysis with in situ thermally assisted derivatisation, Py(HMDS)GC/MS, for the chemical characterization of archaeological birch bark tar, Journal of Analytical and Applied Pyrolysis 91, 2011, 219-223. Rodet-Belarbi, Lemoine 2010 : I. Rodet-Belarbi, Y. Lemoine, Objets et déchets de l’artisanat de l’os, du bois de cerf et de l’ivoire à Fréjus (Var), de la période romaine à l’Antiquité tardive, Revue Archéologique de la Narbonnaise 43, 2010, 369-427. Sauter et al. 2002 : F. Sauter, A. Graf, C. Hametner, J. Fröhlich, J.-W. Neugebauer, F. Preinfalk, Studies in organic archaeometry IV: analysis of an organic agglutinant used to fix Iron-age clay figurines to their base, ARKIVOV, i, 2002, 35-39. Schmid 1968 : E. 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Le nom de Die, Dea Augusta Vocontiorum, n’apparaît dans l’épigraphie qu’à la fin du Ier s. Son titre n’est mentionné que vers la fin du IIIe s., sur un sarcophage d’Arles : col(onia) Dea Aug(usta) Voc(ontiorum) (C.I.L., XII, 690), alors que Luc-en-Diois n’est plus qu’une simple station de bord de voie au IVe s. Le transfert de capitale entre Luc et Die semble se situer entre la fin du Ier s. et la fin du IIe s. ; en revanche, l’obtention du titre colonial est postérieure à 245 (Planchon et al. 2010, 113-122). La ville antique débute sans doute par une station de bord de voie qui se développe et se monumentalise à la fin du Ier s. de notre ère, sans présenter de schéma d’urbanisme défini, jusqu’à atteindre au IIe s. une superficie de trente-cinq hectares. Les niveaux antiques, très profonds, n’ont été que très ponctuellement touchés par le projet d’aménagement et n’ont donc été abordés que localement dans une future fosse de plantation Fig. 1 — L’authepsa lors de sa découverte (Cl. : C. Ronco, Inrap). (Xanten), Xantener Berichte Band 26, APX, Verlag Philipp von Zabern, Darmstadt/Mainz 2013, 5156. ANNEXES : Annexe 1 : détail des conditions d’analyse en spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (IRTF) Une petite quantité de substance (< 1 mg, de la taille d’une tête d’épingle, voire plus petit) est pressée sur la cellule ATR (attenuated total reflectance) du spectromètre infrarouge (Perkin Elmer Frontier). Le spectre est acquis avec un balayage de 8 scans entre 4 000 à 380 cm-1. Annexe 2 : détail des conditions analytiques chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CPG-SM) Pour cette technique, les échantillons doivent subir une préparation chimique spécifique permettant leur analyse. Les échantillons sont extraits dans du dichlorométhane de grade HPLC (1 mg/ml), puis séchés sous un courant d’azote à 40 ° C. L’extrait est alors dérivé dans un mélange de 50 µl de BSTFA + 1 % TMCS, 4µl de pyridine et 1µl de dichlorométhane, pendant 30 min à 70 ° C. Après évaporation à sec sous un courant d’azote à 40 ° C, l’échantillon est repris dans du dichlorométhane à une concentration de 1 mg/ml. Les analyses ont ensuite été réalisées sur un appareil CPG-SM Shimadzu GC2010plus QP2010ultra, le spectromètre de masse étant équipé d’un analyseur quadripolaire et d’une source en impact électronique à 70 eV. Un microlitre de solution a été injecté dans un injecteur split/splitless en mode splitless porté à 300 ° C dans une colonne DB-5HT de longueur 15 m avec un diamètre interne de 0,32 mm et une épaisseur de phase de 0.1µm. Le débit en tête de colonne a été fixé à 3 ml/min et la programmation en température du four était la suivante : 50 ° C, 1 min – 20 ° C/min – 150 ° C – 4 ° C/min – 350 ° C. Les conditions en spectrométrie de masse étaient les suivantes : température de la ligne de transfert de 280 ° C ; température de la source du spectromètre de masse : 200 ° C ; balayage en masse en m/z 50-800 en 0,25 s. d’arbres. De nombreuses découvertes anciennes permettent d’envisager une riche occupation sur tout le secteur de la cathédrale. Cette hypothèse est largement confirmée par la présence désormais attestée d’un bâtiment qui se met en place dans la seconde moitié du Ier s. de notre ère et qui est détruit par un violent incendie vers la fin du IIe s. On n’en connaît qu’un angle de mur comprenant une élévation en terre sur un soubassement maçonné. Le parement sud-ouest est recouvert d’un enduit de tuileau avec le négatif d’un décor marmoréen. Si la nature de cet édifice n’est pas connue avec certitude, on s’oriente tout de même plutôt vers un riche habitat urbain. La qualité de cet ensemble se caractérise avant tout par un important décor peint retrouvé en partie en élévation, mais aussi effondré en place. Son style découle du IIIe style pompéien qualifié de “style à candélabre” et il est daté de la seconde moitié du Ier s. de notre ère (information : J. Boislève, Inrap). Le sol de cette pièce est constitué d’un simple béton lissé. La petite surface dégagée laisse toutefois penser que la pièce a été abandonnée dans l’état après l’incendie : les peintures portent des traces de rubéfaction liées à la combustion du mobilier (coffre ou lit ?) et une authepsa, associée sans doute à un couvercle en céramique, a été retrouvée sur le sol, sous les niveaux de démolition de la toiture et des murs (fig. 1). L’objet est dans un état de fragmentation et de corrosion très avancé. Sa restauration est en cours au CREAM de Vienne et apportera sans doute des informations supplémentaires. Reconstitution et description (fig. 2) (1) Le récipient présente une hauteur totale de 470 mm. Il est composé de deux compartiments distincts, un réservoir/déversoir (fig. 2-B) destiné à contenir un liquide, et en son centre une chambre de chauffe (fig. 2-A) reposant sur un pied constitué d’un cylindre de 830 mm de hauteur pour un diamètre de 180 mm. La chambre de chauffe pouvait être alimentée à l’aide de charbons de bois incandescents par un orifice de 50 mm de diamètre s’ouvrant latéralement dans la panse. Le cou est terminé par un bec verseur. L’anse coulée et décorée est soudée à la panse par un mélange de plomb et d’étain. Elle est ornée d’une série de cannelures verticales et se termine par un décor représentant un chien allongé, le museau posé sur les pattes avant. Le réservoir est fabriqué d’une seule pièce à paroi très fine (2 mm) et comporte une panse d’environ 430 mm de hauteur et un diamètre maximum de 310 mm. L’extrémité haute de la chambre de chauffe est soudée à la panse au niveau de l’orifice latéral et à la base sur le socle. L’ouverture basse est obstruée par une demi-sphère aplatie en alliage cuivreux perforée d’un trou central de 35 mm de diamètre. Elle est maintenue par deux tiges en fer transversales croisées (5 mm de section) perforant le socle de l’authepsa (fig. 2-C). Cette demi-sphère est destinée à retenir les charbons et laisser s’écouler les cendres. Le socle de l’authepsa comporte également deux petites ouvertures carrées, de 8 mm de côté, probablement utilisées comme évents pour faciliter la circulation d’air et la combustion. Lors de sa découverte (fig. 1), l’objet reposait sur le sol à proximité d’un couvercle à collerette en céramique kaolinitique (KAOL E6). En raison de ses dimensions et de sa forme, il est possible d’envisager une utilisation de cette céramique comme support de l’authepsa (fig. 3) et réceptacle pour les cendres, évitant ainsi le contact direct de celles-ci avec le meuble ou le sol. 0 5 10 cm Fig. 3 — Hypothèse d’utilisation de la céramique comme support de l’authepsa (Dessin et DAO : P. Rigaud, C.Ronco, Inrap). Fig. 2 — Proposition de reconstitution de l’authepsa de Die. (Dessin et DAO : P. Rigaud, Inrap). B B A C A 0 1 5 10 cm C 29 Fig. 4 — “La grande dame à sa toilette”, mosaïque de Sidi Ghrib (Tunisie) (Source : http://www. fabiendany.com). (2) vêtements, un panier avec des serviettes, une vasque, un coffret à bijoux, un miroir, un seau). Teodora Tomasevic-Buck (2002, 213-232) a entrepris la classification de ces objets selon leur forme et leur système d’utilisation. L’objet pouvait aussi être transporté en extérieur, comme le montre la mosaïque de la villa Tellaro (fig. 5), près de Noto en Sicile (Italie), datée du IVe s., représentant une scène de banquet de chasse. Dans ces cas, on renonçait au bain usuel et on se limitait au lavage des mains avec l’eau chauffée sur place dans l’authepsa. Typologie et utilisation Ces récipients en alliage cuivreux ou en argent destinés à chauffer ou maintenir au chaud un liquide sont appelés authepsa par les auteurs antiques, du grec ancien αὐθέψησ, authépsês, de αὐτόσ, autos (“auto-”) et ἕψω, hépsô (“bouillir”). L’exemplaire de Die correspond au type A2.1.3, présentant un récipient en forme de pichet avec bec verseur et poignée, associé à un socle relativement élevé. En effet, dans sa typologie, elle distingue deux formes fondamentales d’authepsae, la forme “mobile” de type A, et la forme “stationnaire” de type B. Ce groupe “mobile” peut être divisé en trois sous-types selon leur forme : de A1 à A3. Un second numéro s’ajoute ensuite selon le type de pieds (pied unique 1, pied annulaire 2, socle ou piédestal 3, composite 4). L’authepsa de type A2 a une chambre de chauffe oblique, la bouche de chauffage est généralement dans la moitié supérieure du récipient, à mi-chemin entre le bec verseur et la poignée. Le socle est muni de trous d’aération. Le contenu du récipient est versé sans dispositif de robinet (contrairement à d’autres types d’authepsae), mais par l’écoulement du bec verseur. Ces authepsae du type A2 contenaient sans doute de l’eau et semblent avoir été utilisées avant tout dans le domaine de la toilette personnelle, comme l’illustre une mosaïque de la fin du IVe - début du Ve s., dite de “La grande dame à sa toilette” (fig. 4), découverte sur le site des thermes de Sidi Ghrib (40 km au sud-ouest de Carthage, Tunisie). On y trouve représentés huit des objets jugés nécessaires pour la toilette (une authepsa, des sandales, des 30 Pour T.Tomasevic-Buck, les traces d’eau à l’intérieur de ces pichets et les réparations fréquentes du fond sont la preuve de leur utilisation intensive comme un “chauffe-eau” (Tomasevic-Buck 2002, 221). Un passage de Sénèque, dans les Questions naturelles (III, 24), évoque d’ailleurs cette utilisation : “On fabrique tous les jours des serpentins, des cylindres, des vases de diverses formes, dans l’intérieur desquels on ajuste de minces tuyaux de cuivre qui vont en pente et forment plusieurs contours, et ainsi l’eau, se repliant plusieurs fois au-dessus du même feu, parcourt assez d’espace pour s’échauffer au passage. Elle entre froide, elle sort brûlante”. Des huiles essentielles ou des herbes aromatiques pouvaient Fig. 5 — Détail de la mosaïque de la villa Tellaro (Source : I. Sailko). aussi être ajoutées à l’eau. L’existence d’un couvercle percé de trous sur l’exemplaire d’Avenches (fig. 7), ainsi que la présence d’un tube (pipette ?) formée d’une feuille de bronze enroulée sur elle-même, engagée dans l’orifice du couvercle de l’exemplaire de Chartres (fig. 6), peuvent aller dans le sens de ces pratiques. Cependant, il n’est pas possible d’exclure que l’eau chauffée serve également pour la préparation du vin. En effet, à l’époque romaine, le vin était coupé d’eau, chaude ou froide selon les goûts (Tchernia, Brun 1999, 36). Martial dans ses Épigrammes (XIV, 105) décrit l’utilisation mélange eau-vin : “Que l’eau froide ne manque pas ! Tu en auras à souhait de la chaude. Mais ne sois point un buveur capricieux et difficile”. Deux passages du De Re Coquinaria d’Apicius (I, 1), daté du IVe s., montrent que la préparation du vinum conditum paradoxum exigeait “durant la cuisson, d’être mélangée avec un bâtonnet” et pour sa conservation “d’y jeter des charbons ardents” (3). Ainsi la présence d’un couvercle-passoire sur certaines authepsae pourrait s’expliquer par la nécessité de filtrer le mélange eau-vin et celle d’une pipette par celle de tester sa saveur ou de mélanger. Les autres authepsae de même type L’exemplaire diois est le deuxième de type A2 connu en France et le sixième dans le monde romain. L’authepsa de Chartres (Ollagnier, Joly 1994, 143) était jusqu’à présent la seule authepsa mise au jour en France. Elle a été découverte en 1980, au lieu-dit quartier des Grandes Filles-Dieu, lors d’une fouille d’un faubourg de la ville antique. Également de type Tomasevic-Buck A2.1.3, elle présente toutefois quelques différences avec le modèle diois. La plaque destinée à retenir les charbons et laisser s’écouler les cendres est en fer. Le bec verseur est obturé par un couvercle articulé et perforé en son centre. Un tube (pipette ?) de 290 mm de long, formé d’une feuille de bronze enroulée sur elle-même, a été découvert engagé dans l’orifice du couvercle. Le socle est percé de quatre ouvertures en forme de cœur mais également de petits trous circulaires. L’anse est décorée de personnages stylisés et d’une tête en relief à sa base. D’une hauteur totale de 320 mm, la capacité de la chambre de chauffe est de 0,72 litre, pour un réservoir de 4,2 litres (fig. 6). Fig. 7 — Authepsa découverte à Avenches (Kapeller 2003, Fig. 141 ; Dessin : M. Gerber). L’authepsa découverte et conservée à Avenches (Suisse) (fig. 7), est également de type A2.1.3. Elle mesure 460 mm de hauteur et possède un bec verseur recouvert d’une petite passoire, un long col légèrement tronconique, une panse globulaire et un haut pied annulaire perforé de demi-cercles outrepassés. L’anse est manquante (Kapeller 2003, 139-140). Les trois autres authepsae de type A2 ont été mises au jour à Pompéi (conservée au musée de Mayence) (Mutz 1972, 170), au Maghreb (conservée au musée de Stuttgart) et à Szekszárd en Hongrie (National Museum de Budapest) (Tomasevic-Buck 2002, 217). Diffusion et datation Les authepsae de type A “mobiles”, qu’il s’agisse des objets eux-mêmes ou des représentations sur des mosaïques ou sur des peintures murales, sont réparties sur une aire large allant de la péninsule Ibérique à l’Asie Mineure et de l’Europe centrale à l’Afrique du Nord. Les sous-types A1 et A2 semblent plus fréquents que le type A3 et ont une aire de diffusion encore plus large, couvrant l’Europe, l’Afrique du Nord et le Proche-Orient (TomasevicBuck 2002, 221-222). manière large : entre le Ier et le IIIe s. de notre ère. En ce qui concerne les autres types, ils sont principalement représentés par des récipients italiques, de type A1 et AV (4) datés du Ier s. ap. J.-C. (en raison de leur origine pompéienne) tandis que dans les autres provinces de l’Empire, les datations sont plus tardives (du IIIe au début du Ve s.). En ce qui concerne l’exemplaire diois, une précision peut toutefois être apportée avec le charbon de bois contenu dans la chambre de chauffe, daté par radiocarbone entre 130 et 260 ap. J.-C. Cette fourchette coïncide avec les datations de la phase d’abandon de la fin du IIe s., fournies par le mobilier céramique et une monnaie frappée entre 164 et 165. Le décor de l’anse (fig. 8), en l’état actuel de restauration et d’étude, n’apporte pas d’éléments datant plus précis. En effet, cette représentation d’un chien allongé, le museau posé sur les pattes avant, est tout aussi bien connue dans le répertoire des vases pompéiens (Tassinari 1993, 217) que dans des représentations plus tardives (IIIe-IVe s. ap. J.-C.), notamment sur les poignées de clés en bronze mises au jour à Augst (Kaufmann-Heinimann 1994, 123). Fig. 8 — L’anse de l’authepsa non restaurée (Cl. : C. Ronco, Inrap). Pour la Gaule, rappelons que seules deux authepsae sont connues à ce jour. Aucune datation précise ne peut être avancée pour ce type d’objet (type A2) puisque seule l’authepsa de Chartres est datée, de Fig. 6 — Authepsa découverte à Chartres (Cl. : D. Joly, Ville de Chartres). 31 Nous n’avons donc qu’un terminus ante quem du dernier quart du IIe s., mais rien ne permet de quantifier la durée d’utilisation d’un tel objet. De toute évidence, les authepsae étaient des objets rares, comme l’illustre clairement le travail de R. Mischker (Mischker 1991). Il a recensé 2 158 récipients (issus de 1 455 lieux de découvertes), mis au jour aux Pays-Bas, en Allemagne, en Autriche, en France et en Espagne, et parmi eux une seule authepsa. Cette rareté explique sans doute le faible nombre d’exemplaires connus. Il s’agissait d’ustensiles de grand luxe dont certains exemplaires se vendaient à des prix démesurés si l’on en croit Cicéron (Pro Sextus Roscius Maerinus, XLVI) : authepsa illa quam tanto pretio nuper mercatus est ut qui praetereuntes quid praeco enumeraret audiebant fundum uenire arbitrarentur, “Cette authepsa que ces jours derniers, dans une vente, il s’est fait adjuger à si haut prix, que les passants croyaient qu’il s’agissait d’un fonds de terre”. Marie Gagnol, chercheur associé à l’UMR 5138 marie.gagnol@laposte.net Christine Ronco, Inrap, chercheur associé à l’UMR 5138 christine.ronco@inrap.fr Notes : Bibliographie : (1) L’authepsa de Die n’étant pas manipulable, le dessin a été effectué à partir des radios et des clichés de travail. L’ensemble des mesures sont donc sujettes à caution et devront être revues plus précisément après restauration. Kapeller 2003 : A. Kapeller, La vaisselle en bronze d’Avenches / Aventicum. Bull. Pro Aventico 45, 2003. (2) Aucun exemplaire n’a été retrouvé, seules des sources littéraires attestent leur existence. Mischker 1991 : R. Mischker, Untersuchungen zu den römischen Metallgefäßen in Mittel- und Westeuropa (Europ. Hochschulschriften Reihe XXXVIII, Archäol. 34), Frankfurt, Bern, New York, Paris 1991. (3) Mellis pondo XV in aeneum uas mittuntur, praemissis vini sextariis duobus, ut in coctura mellis vinum decoquas. Quod igni lento et aridis lignis calefactum, commotum ferula dum coquitur, si effervere coeperit, vini rore conpescitur, praeter quod subtracto igni in se redit. Cum perfrixerit, rursus accenditur. Hoc secundo ac tertio fiet, ac tum demum remotum a foco postridie despumatur. Tum mittis piperis uncias quattor iam triti, masticis scripulos III, folii et croci dragmae singulae, datilorum ossibus torridis quinque, isdemque dactilis vino mollitis, intercedente prius suffusione vini de suo modo ac numero, ut tritura lenis habeatur. His omnibus paratis supermittis vini lenis sextaria XVIII. Carbones perfecto aderunt. (4) Ces types regroupent les authepsae à chambres de chauffe verticales. Elles sont souvent en forme de situle, de cratère ou de baril et des robinets sont utilisés pour verser le contenu. avec la collaboration de Pierre Rigaud F. Labaune-Jean traces de bronze À la fin de l’Antiquité tardive et au cours du haut Moyen Âge, ces espaces ouverts de cour accueillent de nombreuses installations légères mais imposantes avec de nombreuses fosses (silos, extraction, …) et des foyers, le respect des bâtiments anciens laissant penser que ces derniers sont toujours occupés à cette période. C’est dans le comblement de l’une de ces fossesdépotoirs que la campagne de 2011 a permis de découvrir un canif en os (fig. 1). Cet élément est intact avec sa lame encore en place dans la fente du manche en os ; seule la corrosion du métal a modifié partiellement l’allure initiale de cette partie de la pièce. Le couteau en position repliée mesure 10,4 cm de longueur. Le manche présente une section ovale 32 Mutz 1972 : A. Mutz, Die Kunst des Metalldrehens bei den Römern: Interpretationen antiker Arbeitsverfahren auf Grund von Werkspuren, Basel-Stuttgart 1972. Ollagnier, Joly 1994 : A. Ollagnier, D. Joly, Carte archéologique de la Gaule 28-L’Eure-et-Loir, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Paris 1994. Planchon et al. 2010 : J. Planchon, M. Bois, P. ConjardRéthoré, Carte archéologique de la Gaule 26-La Drôme, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Paris 2010. Tassinari 1993 : S. Tassinari, Il vasellame bronzeo di Pompei, Rome 1993. Tchernia, Brun 1999 : A. Tchernia, J.-P. Brun, Le vin romain antique, éd. Glénat, Grenoble 1999. Tomasevic-Buck 2002 : T. Tomasevic-Buck, Römische authepsae, auch ein Instrument der ärztlichen Versorgung? In : Acta of the 13th international Bronze Congress, held at Cambridge, Massachussetts, May 28-June 1, 1996, Portsmouth 2002. radiographie qui permettra certainement de mieux appréhender la forme initiale de la soie et peut-être le mécanisme de repli. Un canif en os découvert dans la villa de la gare, au Quiou (Côtes-d’Armor) Depuis 2001, sur le canton d’Évran (Côtesd’Armor), des campagnes de fouille programmée (1) se déroulent tous les étés sur la villa gallo-romaine de la gare au Quiou, connue depuis le XIXe s. et redécouverte par prospection aérienne en 1989 (Arramond et al. 2010) Installée au sein d’un bassin calcaire (faluns) dont elle dirigeait vraisemblablement l’exploitation, cette installation se démarque par ses dimensions imposantes et sa longévité attestée du Ier s. de notre ère à la fin du haut Moyen Âge. L’établissement comprend une zone d’habitation bordée au sud d’un grand verger et complétée au nord par un espace thermal de 280 m2 ainsi que d’une pars rustica reconnue par prospection et diagnostic sur près de cinq hectares sur les parcelles situées à l’ouest. Le bâtiment principal de l’habitat mesure 40 m de large pour 56 m de long avec trois ailes de pièces encadrant une cour de 600 m2 divisée en deux espaces. Kaufmann-Heinimann 1994 : A. Kaufmann-Heinimann, Die römischen Bronzen der Schweiz, V. Neufunde und Nachträge, verlag Philipp von Zabern, Mainz 1994. : os U.S. 8036 : fer 0 10 cm Le manche est entièrement décoré après l’espace de la virole laissé lisse avec, simplement, de fines stries incisées à chaque extrémité de la section (fig. 2). Le corps présente un motif de losanges en relief disposés en quinconce sur la longueur du manche. Cet agencement laisse supposer un façonnage par sciage superficiel de la surface de l’os long sélectionné, afin de former un quadrillage en diagonale et en creux occupant tout le pourtour de la section centrale. Chacun des petits reliefs en losange ainsi créés a pu ensuite faire l’objet d’un facettage plus précis et d’un polissage soigneux. On peut faire un parallèle entre l’aspect ainsi obtenu et les protubérances que l’on retrouve sur les bois de cervidés, que l’artisan a peut-être cherché à imiter dans cette réalisation (3). Après une petite nervure en faible relief, l’extrémité, sur une longueur de 2,8 cm, Fig. 1 — Canif en os de la villa du Quiou (© F. Labaune, S. Jean, Inrap). comprise entre 1 et 1,5 cm près de la charnière et 1,5 / 2 cm au maximum. Dans son état actuel (non restauré), la lame en fer est longue de 8,8 cm pour une largeur maximale estimée à 2,5 cm. Au niveau de la partie “virole” (2), en partie supérieure, opposée à la rainure de rangement de la lame, l’os présente une petite incision participant au fonctionnement du mécanisme de rotation. Toutefois la corrosion qui masque actuellement cette extrémité du manche ne permet pas de préciser la disposition de cet agencement. La soie en fer, malgré la corrosion de surface, permet de définir une forme de plaque à extrémité effilée en pointe, à dos arrondi présentant une échancrure à peu près dans l’axe du début de la “virole”, avec une diminution de la moitié de la largeur maximale de la lame. Celle-ci présente vraisemblablement une section en triangle, pour constituer le tranchant, toujours en place dans la rainure du manche en os et donc inaccessible. Cet objet va faire l’objet d’une Fig. 2 — Vues des différentes faces du canif avant restauration (© F. Labaune, S. Jean, Inrap).